vendredi 14 juin 2013

Royal Philharmony Society Awards

Quoi de mieux que de, une fois n'est pas coutûme, débarquer à Londres, pour une soirée au Dorchester? Quoi de mieux en effet que de tenter d'oublier le froid et la grisaille ambiants, avec quelques gorgées de vin blanc et de hauts à paillettes? Pourquoi ne pas se rendre à la grand messe de la musique classique qui récompense les meilleurs artistes et les meilleures initiatives???
C'est donc d'Yves Saint Laurent vintage vêtue (allez donc faire un tour chez Madame De, rue Daguerre, dans le 14ème, à Paris, presque en face de chez Agnès Varda et Jacques Demy) et au bras de celui qui remporta le prix du meilleur chef d'orchestre, que j'ai franchi les portes du Dorchester, hôtel somptueux du Central London.
Ayant travaillé à Glyndebourne (il faudra que je vous en parle), je suis habituée aux noeuds papillons et aux robes longues... mais tout de même, une soirée d'awards, ça non, jamais expérimenté! On sent les attitudes emberlificotées et les résultats déjà entendus... Hum, pas comme aux Golden Globes, les perdants sont absents aux RPS Awards. Evidemment, personne ne félicite personne, par principe, au Cocktail de bienvenue, mais on sait.
Le plus impressionnant, dans tout ça, est probablement l'idée qu'autant de professionnels de la musique soient réunis au même endroit et au même moment: artistes, agents, administrateurs d'orchestres et/ou de théâtres, journalistes musicaux, maisons d'éditions musicales, programmateurs... Tout ce petit monde papillonne, d'abord bien sagement, puis, après quelques verres, de façon plus sonore.
J'ai lu un post de l'artiste/poète Alice Popieul, sur Facebook, ce matin, et en fait, je le trouve opportun... Quand on y pense, mettre des oeuvres en compétition, faire des palmarès, c'est merdique comme idée. Après il ne faut pas s'étonner qu'on invente des Star Ac' pour créer ses petits concours populaires et se venger de l'élite artistique, dit-elle (allez la lire sur www.facebook.com/popyalice, en général, moi je me régale). La compétition est violente quand, à 7 ans, notre dessin n'est pas sélectionné pour le concours de l'affiche du Carnaval de Dunkerque alors qu'on y a mis tout notre coeur, quand notre interprétation d'une oeuvre de Mozart au piano ne mérite pas les félicitations du jury même si notre coeur bat à tout rompre et qu'on adore la jouer... Alors en effet, plus tard, lorsqu'on présente un film à Cannes, une oeuvre ou une interprétation aux RPS Awards... C'est toujours aussi violent. Et pourtant oui, le nombre de concours qui florissent à tous les niveaux, montrent qu'on en redemande. Chacun veut être mieux que le voisin...
Dans cette cérémonie, il y avait peut-être un peu de ça... Mais quand même. Ce qui frappe, c'est qu'à la fin, seul le travail est récompensé. Et ce qui est sûr, c'est que pour faire entrer les jeunes générations dans une salle de concert de musique classique/baroque/contemporaine, il faut un sacré paquet d'énergie, de volonté, de passion, mais aussi de désir iraisonné des artistes à continuer de donner le meilleur, sans considérer l'idée d'un public qui n'a pas toutes les clefs, ou qui ne percevra pas les subtilités.
Ce soir-là, cinq personnes ont reçu un "Honorary Membership" à la Royal Philharmony Society pour leur ardeur à partager/pratiquer la musique avec des publics défavorisés. Avant de se retrouver là, au Dorchester, face à leurs pairs en standing ovation, on imagine aisément que ce qu'ils font, ils le font par passion, et pour le plaisir d'entendre la musique se faire, et d'entraîner des goûts, de rendre la vie plus douce... s'il est possible. Je ne peux que les citer car me remémorer leur travail, me rappelle de la chance que j'ai, de baigner dans la musique et d'être cette ingrâte qui l'oublie trop souvent: Ricardo Castro (NEOJIBA, Brazil, Bahia Youth Orchestra), Aaron P Dworkin (Sphinx, USA, diversity in the arts), Rosemary Nalden (Buskaid, Soweto, South Africa), Dr Ahmad Sarmast (Afghanistan National Institute of Music, Kabul Afghanistan) et Armand Diangienda Wabasolete (L'Orchestre Symphonique Kimbanguiste, Democratic Republic of the Congo). Je leur envoie encore mes bravos, par la pensée, quand je me remémore l'hommage qui leur a été fait...
Ce soir-là, ont été récompensées les initiatives vers les publics en terme d'originalité de propositions, d'événements, de festivals, de composition, d'interprétation, de travail d'analyse... Un peu déconnectée depuis quelques années du travail musical émanant du Royaume-Uni, je ne connaissais évidemment pas  tous les artistes ni toutes les initiatives. C'est dans ce genre d'événements que l'on réalise que les travaux artistiques sont tout de même, malgré tout, très territoriaux, et que les réseaux sont très sectorisés géographiquement. Je l'avais réalisé grandement à mon retour en France, après deux ans et demi passés à Glyndebourne. Par exemple, quand je voyais défiler les noms d'artistes, dans le cadre de mon travail, j'avais l'impression de ne plus connaître personne, alors que dans le cadre de mes fonctions, en Angleterre, c'était par mon bureau que passaient les CVs de chanteurs, de chefs d'orchestre...
Le titre de meilleur(e) chanteur/euse fut décerné à Sarah Connolly et j'avoue que j'étais vraiment contente, car la midinette que je suis a ses préférences... Sarah Connolly, je l'ai entendue plusieurs fois. Je suis admirative de l'artiste et de son charisme. Et je reviens au travail récompensé... il est clair qu'on a à faire à une bosseuse. Et une bosseuse avec du talent, ça génère de l'émotion. La mise en scène de Katie Mitchell de la Passion selon St Matthieu à Glyndebourne, y était peut-être pour beaucoup, mais l'entendre chanter me faisait pleurer à chaudes larmes systématiquement. Féminine ou masculine (incroyable dans le rôle de Jules César, Handel), elle touche. C'est une mezzo à la voix ronde, chaude.
Et puis il y a eu Kirill. Il fut récompensé ce soir-là pour son travail de chef d'orchestre, pour toutes représentations confondues (il a fait de l'opéra et des concerts) en 2012 au Royaume-Uni. Je vois l'année durant, le travail qu'il fournit (sur les partitions, devant l'orchestre, en concert, et toute l'administration à gérer), les sacrifices qu'il fait, sa capacité à gérer la pression et le stress, la solitude, les relations humaines avec toutes les personnes qu'il est amené à côtoyer dans le cadre de son travail... Et je sais qu'il mérite cet award en argent à la lyre d'Orfeo.
Peut-être lui poserai-je quelques questions bientôt, pour apprendre encore des choses sur son travail...
C'est le monstre (mais dans le bon sens) de BBC Radio 3, Sean Rafferty, qui prend en charge la cérémonie avec, ce que nous autres français, avons bien du mal à masteriser... un humour percussif. J'apprendrais plus tard, en lisant sa biographie, qu'il a fait des études de droit, ce qui ne m'étonne guère, à l'entendre résumer en trois mots bien choisis les nominés ou remercier les gagnants par des commentaires soit ironiques, soit profondément touchants. A la fin de la soirée, je l'ai félicité pour son show, pendant que je recevais le baise-main (mon dieu, ces choses se font encore aujourd'hui!!!??!!), that was the least I could do!
Sur le podium, pour remettre les awards, il y avait Dame Janet Baker, grande mezzo anglaise, agée de 80 ans. Quand je suis arrivée à Glyndebourne, début 2007, Steven Naylor, avec qui je travaillais, m'a donné un enregistrement de Giulio Cesare de Handel, enregistrement Chandos, donc en anglais... et c'est elle qui chantait le rôle titre. La boucle était bouclée.
La cérémonie finie (contraste au niveau de l'ambiance entre le début et la fin de soirée hilarant), nous avons enlevé nos cravates et remis nos souliers de vair, reserré notre étreinte pour affronter le froid et la pluie ( ah oui! tiens au fait, nous ne sommes pas en novembre), sauté dans un black cab, rejoint Victoria Station, sommes entrés dans un pub pour fêter ça au tap cider (deux types m'ont demandé si je venais de me marier... voilà ce qu'inspire le rose poudré), puis tels Harry et Hermione nous nous sommes engouffrés dans le Gatwick Express de la voie 18 3/4...
Une soirée dans le fog anglais, avec un peu de sparkle dans les yeux.
A bientôt
KMCV

Pour plus d'infos sur les RPS Awards, voici leur site: www.rpsmusicawards.com
Kirill Karabits / www.kirillkarabits.com
Sarah Connolly / www.sarah-connolly.com

Le Dépôt-vente du 14ème: http://madamede.net/




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